Ce Colombien serait modèle ET artiste.
Je n'en sais pas plus, mais personne ne
niera qu'il est très photogénique.
Am stram gram : ici
Je savais qu’ils se réconcilieraient le soir même... |
Il n’était rien de plus bleu que le bleu de ses yeux. Il ne fallait
pas s’y abîmer ; danger. Si je risquais la noyade dans cet océan, c’était
pour en émerger lavé de toutes mes certitudes. À cet âge, elles sont faites
pour vaciller. André Foulques le savait et prenait un malin plaisir à les
ébrécher. Nous avions désormais pour habitude de nous rencontrer tous trois à l’heure
du goûter qui était aussi celle de sa pause syndicale, inscrite dans le marbre
des nouvelles lois. Les deux amoureux étaient d’avis différents. L’un de leurs
plaisirs consistait à ferrailler sur le champ maintes fois labouré de leurs divergences. L’artiste était coco, le potard socialo. Les composantes de l’union
populaire s’appliquaient vaille que vaille à composer. La joute parfois virait au combat de coqs. Quand il y avait prise de bec, je comptais
les points. Je savais qu’ils se réconcilieraient le soir même, en martyrisant le sommier du nid d’aigle qui n’en pouvait
mais. Ces batailles d’idées forgeaient ma prise de conscience politique. Elles
me ramenaient à Saint-Jean où mon père et celui de Jean s’étaient affrontés
maintes fois pour les mêmes raisons.
Fabre estimait avoir fait le grand saut en rejoignant les jeunes de la SFIO à
la faculté, car son père, à l’instar de mon grand-oncle, était de ces « rad’soc »
que son amoureux appelait avec malignité « réac’soc », ce qui ne
laissait rien présager de bon sur l’avenir du front. Il vantait les qualités,
indéniables à son sens, de l’ancien Président du Conseil, dont le peintre
dénonçait les atermoiements. « Un coup, j’interviens, un coup je regarde
ailleurs » persiflait-il au sujet de la guerre civile en Espagne. Le pacte
de non-intervention s’était désagrégé de toutes parts ; seuls les
angliches semblaient vouloir s’y tenir malgré l’abomination : en avril, les
avions de Hitler avaient réduit en cendres la ville de Guernica, faisant
plusieurs milliers de victimes. André avait beau jeu de dénoncer l’attitude de
Blum, lequel avait finalement opté pour un « relâchement » de la
politique de non-intervention et fini par approuver la livraison d’armes aux
Républicains. Trop tard. Fabre, néanmoins, vouait un véritable culte au
socialiste. C’était davantage en vertu des ignominies qu’avait eu à subir l’homme
d’État, agressé physiquement par les fascistes et sans cesse calomnié, comme le
furent, pour la plupart, les membres du gouvernement d’union, dont, au premier
chef, le ministre de l’Intérieur, Salengro, que les tombereaux de fumier
déversés sur son nom avaient conduit au suicide. C’était le caractère généreux
et compassionnel de Marcel qui l’inclinait à défendre mordicus son grand homme.
On apprendra par la suite avec plus de détails que j’ai entretenu avec lui une indéfectible amitié
jusqu’à sa mort. Une fois l’an, dès que la terrible parenthèse se fut refermée,
ceux qui demeuraient de notre groupe se retrouvaient au Colombier pour des
agapes du souvenir, où l’humour de Marcel faisait merveille. Je n’étais pas en
reste : évoquant la période où j’avais eu le bonheur de le rencontrer, je l’avais
gratifié un soir, sous l’effet d’une boisson désinhibante, d’une version très
originale d’une chanson en vogue de ces années-là :
Aymeric Caron ayant été élu
dans ma circonscription, j'ai cru bon
d'annuler le barbecue initialement prévu.
Je me consolerai avec un "brunch" en bonne compagnie.
Oslo, Norvège, après l'ignoble fusillade de la nuit - © Crédit photo OLIVIER MORIN /AFP |
Entrée en force des fascistes à l'Assemblée,
retour de la quatrième république :
la semaine avait mal commencé.
Depuis, pendant qu'en Ukraine, l'ogre
continue les massacres, la cour suprême
des États-Unis, grâce à l'héritage de Trump,
supprime purement et simplement le droit
à l'avortement.
Enfin, à la veille de la Marche des Fiertés,
un barbare tue deux personnes et en blesse
gravement 21 à Oslo, à proximité d'un
bar gay très fréquenté de la capitale norvégienne.
La marche a été annulée dans ce pays.
A Paris, les mesures de sécurité ont été renforcées
pour cet événement.
On vit une époque lourde de menaces pour la liberté.
Résumé
Claude (le narrateur) et Jeannot, les deux jeunes amants adolescents de Saint-Jean, Aveyron, sont à présent séparés, le premier ayant quitté le village pour Montpellier où il veut obtenir son baccalauréat. Claude y est hébergé par son grand-oncle, Octave Rochs, propriétaire d'un vaste domaine viticole et Conseiller Général Radical-socialiste de l'Hérault. Dans la grande ville du Languedoc, il a passé son premier dimanche avec Marcel et André, deux jeunes gens plus âgés, qu'il avait surpris, l'été précédent, s'embrassant fougueusement chez un vieux marginal de son village, Étienne Jacob.
Les journées chez l’oncle
s’étaient organisées en vraie vie de famille où j’avais trouvé ma place sans
difficulté. En attendant la rentrée, fixée au treize septembre, mes journées
se déroulaient agréablement. Levé à sept heures du matin, je profitais avec
délices de la vraie douche à l’étage puis je descendais le. " petit-déjeuner ". Chez nous, à Saint-Jean, il n’y avait
pas de mots pour désigner ce moment. Pour crâner, j’employais avec Jeannot le
terme "collation ". Il se moquait de moi, répétant d’une voix
pointue « J’ai pris ma collation matinale » et c’était encore un
prétexte à éclats de rire.
Je rejoignais à la cuisine ma tante et Mélanie qui
gérait la maison avec la plus grande vigilance. Si du pain était resté du repas
de la veille, elle le mettait à réchauffer dans la grande cuisinière que mon oncle appelait étrangement « piano ». Ce dernier déboulait à
sept heures et demie, réglé comme l’horloge du clocher de la cathédrale, Magali
sur les talons, toujours d’humeur joyeuse. Octave, lui, affichait une mine
préoccupée, trempait vivement ses tartines de beurre dans son café au lait et
les engouffrait en lisant le journal que le livreur avait déposé à l’heure où
nous dormions encore. Les tartines ainsi malmenées projetaient immanquablement
des gerbes de café sur la toile cirée. Ma tante et Mélanie rouspétaient gentiment de
concert. Je compris rapidement que c’était un jeu rituel. Après
avoir distribué des baisers en farandole autour de la table, les deux Rochs,
père et fille, nous quittaient pour rejoindre un bureau où ils vaquaient à des
occupations que je n’arrivais pas encore à définir clairement. Devant ma
perplexité, ma cousine m’expliqua un soir qu’elle faisait office de secrétaire,
voire de gestionnaire des affaires de son père, lequel parcourait souvent les
campagnes alentour pour superviser le travail de ses ouvriers. Septembre était un
mois crucial, celui des vendanges, et le « patron » avait embauché un
grand nombre de saisonniers sachant manier la serpette et endosser sans fléchir les hottes qui contenaient les précieuses grappes. Ma cousine me fit un
véritable cours et je devins incollable sur les cépages qui mûrissaient au
soleil de la contrée, aramon, chasselas, carignan et grenache, qui donnaient un
vin de table de qualité moyenne, selon elle, mais un breuvage « populaire »,
disait-elle. Non sans malice, elle me confia qu’elle " adorait " les
samedis, où elle accompagnait son père à Saint-Drézéry et à Vendargues où les
vendangeurs étaient « si forts, si
beaux, tu comprends… ». Me vint sans
peine la vision de jeunes hommes, torses nus luisant de sueur, que l’effort
sans cesse renouvelé avait sculptés en athlètes aguerris. Je parvins à dissimuler le trouble que faisait naître un rêve de veillées entre garçons en pleine force de l’âge quand,
exténués, ils partageaient une nourriture roborative et quelques lampées d’un
élixir réconfortant. Et, peut-être, je m'en persuadais, de ces occasions qui font les larrons, de quelque étreinte sans
conséquence à leurs yeux, dans le secret d’une alcôve complice. La confiance
que manifestait Magali sans plus de mystère révélait qu’elle était finaude et partageait
avec Marcel, l’ami d’enfance, bien plus qu’une simple amitié, une véritable
relation fraternelle. C’était message reçu, et je n’allais pas tarder à réaliser que je pouvais,
entre ces murs, compter sur une précieuse alliée. Peu de temps après, comme elle venait prendre avec nous le repas de midi, elle me tendit discrètement une lettre, la première que Goupil m'envoyait. Elle me souffla qu'il serait plus prudent, à l'avenir, de faire adresser mes courriers intimes chez Marcel, rue du Cheval Blanc. Je mangeai vite, nerveusement, tant l'impatience de lire l'amicale missive me chamboulait. La messagère s'en amusait visiblement, qui me suivit du regard quand je me levai de table pour monter prestement jusqu'à ma chambre où, haletant, je pus lire avec fébrilité le contenu de l'enveloppe. La teneur de la lettre confirmait le bien-fondé de la suggestion de Magali.
(...) les vendangeurs étaient si forts, si beaux... |
Au pressoir |
Avant, j'avais une cuisine de style rustique, comme ci-dessus, mais en plus vilain et en mauvais état.
Depuis, j'ai opté pour un décor plus "almodovarien" :