Vic Bakin, photographe. Kyiv, Ukraine |
Silvano Mangana (nom de plume Louis Arjaillès). Maison de confiance depuis 2007.
"La gravité est le plaisir des sots"
mardi 31 mai 2022
Mes goûts et mes couleurs
Depuis plusieurs années, j'affiche des images qui reflètent peu ou prou mes goûts et, parfois, mes douleurs dans une GC Gazette Tumblr en noir et en couleurs.
Vous pouvez feuilleter au rythme qui vous convient.
C'est par là :
L'univers de Silvano,
M. Gay Cultes.
Oh oui, je clique !
lundi 30 mai 2022
"Mon amant de Saint-Jean" | Chapitre II | Épisode 13 : L'un sans l'autre
Résumé
Claude, l'auteur du texte, et Jeannot sont séparés : le premier est parti pour Montpellier pour ses études. Il y est accueilli dans la maison d'Octave, son grand-oncle. Avant le premier souper, il a la surprise de voir arriver le fringant Marcel, qui n'est autre que l'un des jeunes hommes qu'il a surpris s'embrassant avec fougue à Saint-Jean, au début de l'été. Il a été décidé que l'étudiant serait le mentor de son cadet, lequel aurait bien besoin d'un guide pour découvrir la vie citadine. Les deux jeunes gens ont pris rendez-vous pour le lendemain, dimanche, pour une visite de la grande ville.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022
Ce n'étaient pas des gouttes de rosée... |
(...) auquel il ressemblait à s’y méprendre. |
F.X Fabre | Jeune berger en Arcadie |
dimanche 29 mai 2022
Parle-moi d'amour, Mariù (Mario ? Marius ?)
Pour moi, c'est plutôt du "bel canto".
Luciano Pavarotti aimait cette chanson.
L'acteur et chanteur Achille Togliani (1924-1995) la chanta fort bien.
Je vous évite la version de Tino Rossi, mais celle de Vittorio de Sica,
Danse avec les anges
En voyageant au fil de la grande toile, je tombe en arrêt sur cette photo.
C'est exactement toi, toi qui dansais ainsi, sourire aux lèvres, les mains dans les poches de ton jean.
Jamais tu n'as su te mouvoir en rythme : tu affichais une indifférence, feinte, sans doute, à la musique. Mais tu avais fait de moi "ta star", car tu m'admirais de savoir en jouer.
J'ai parlé de toi, il n'y a guère, avec ton fils : je n'ai pu lui dire que nous nous étions aimés.
Là où tu es aujourd'hui, j'espère que tu danses, encore, même mal.
Sea, sex, and sun, tu te souviens ?
samedi 28 mai 2022
vendredi 27 mai 2022
jeudi 26 mai 2022
Nouvel Elvis
Posant pour les photographes, à Cannes,
l'acteur Austin Butler incarne Elvis Presley
dans Elvis, de Baz Luhrmann.
Charmant, non ?
Homophobie ordinaire
Quatre ados de seize ou dix-sept ans dans le métro.
L'un d'eux leur montre sur son "smartphone" une photo peu ragoutante d'une victime de la "variole du singe", cette affection nouvellement arrivée en France.
L'un d'eux, alors :
- Beurk ! D'façon, c'est pour les gays, euh j'veux dire, les homosexuels (trop "sympa", gays ?), c'est pas pour nous, on est pas du même bord, on s'en fout.
mercredi 25 mai 2022
mardi 24 mai 2022
lundi 23 mai 2022
"Mon amant de Saint-Jean" | Chapitre II | Épisode 12 : Nous sommes des roses
" Nous, nous sommes des roses. " |
Septembre 1937
Claude Bertrand (le narrateur) vient d'arriver à Montpellier. Il a quitté Saint-Jean, son village de l'Aveyron, pour la grande ville, où, accueilli chez son grand-oncle Octave, il va suivre des études que ses capacités lui permettent d'envisager comme brillantes. Pour fêter son arrivée, un dîner est organisé chez son parent. Un couple d'amis de la famille a été invité avec son fils qui n'est autre que Marcel, l'un des deux jeunes hommes que Claude avait surpris s'étreignant fougueusement au début de l'été, chez Étienne Jacob, un universitaire retraité qui abrite chez lui des amours que la majorité de ses concitoyens réprouverait. À Saint-Jean, le jeune Claude a dû se séparer de son amant Jean Goupil, contraint de travailler dans la menuiserie de son père qui souhaite en faire son successeur, rejetant le projet d'études de son fils.
Pour l'heure, Claude vient de découvrir Montpellier et la grande maison de ville où il sera hébergé. L'accueil qui lui a été réservé est des plus cordiaux, l'arrivée de Marcel Fabre venant de raviver son enthousiasme.
Ne dites jamais à une Sétoise que la bourride (1) est « une sorte de
bouillabaisse » comme je le fis imprudemment sous le regard courroucé de
Mélanie pendant que les autres convives riaient sous cape. J’étais très impressionné par
la grande table ovale autour de laquelle nous avions pris place. Les coupes
en cristal qui scintillaient sous le lustre à pampilles et les jolies fleurs des
champs que ma grand-tante avait disposées sur la belle nappe passementée de fils d'or me firent penser à cette nature
morte d’un peintre ancien que j’avais admirée dans un livre d’art chez Étienne Jacob.
Je m’étais tenu du mieux que je pouvais, mon convive en vis-à-vis m’adressant
force clins d’œil à la dérobée. Tout au long de ce souper, Marcel avait su
détendre mon atmosphère. Il avait ressenti à quel point le trac s’était emparé
de moi. Magali n’était pas en reste ; elle pépiait aimablement, m'interrogeant sur mes centres d’intérêt, la littérature, le cinéma, la musique. Pour ce qui relevait de ses propres goûts, elle évoqua notamment une chanteuse nommée Marianne Oswald, dont la chanson La chasse aux enfants lui donnait des frissons. Je ne connaissais pas cette artiste ; le
phonographe d’Étienne Jacob nous avait habitués aux chansons folles de Charles
Trénet, aux roucoulades d’Yvonne Printemps, pleurant parfois avec la môme Piaf,
révélation de l’année, qui chantait Mon légionnaire. Jeannot disait
que sa version était plus moderne que celle de Marie Dubas et que la cire du phonogramme allait fondre de douleur, tant
la voix de la chanteuse était déchirante.
La soirée prit bonne tournure ; le
jeune trio de la table s’animait crescendo, nos rires fusaient, avec une
retenue polie, toutefois ; la curiosité de l’autre allait croissant. Il
faut dire que la Suze et le Picpoul – Marcel disait drôlement picpouille – participaient
à l’euphorie ambiante. Ma grand-tante et ma cousine sétoise – elle avait
fièrement revendiqué ses origines en servant le plat principal – se bornaient,
elles, à s’amuser de la conversation des enfants. Pour de nombreuses femmes,
maternelles par essence, dès lors qu’on n’a pas atteint une bonne trentaine,
nous sommes des enfants ; pis, mais de nature à m’inonder de tendresse, ma
propre mère nous désignait, ma sœur et moi, comme étant « les
enfants » quand nous abordions la cinquantaine.
Quant aux deux hommes de cette petite
assemblée, ils conversaient entre adultes dignes de ce nom : d'affaires
(Fabre était un client d’Octave, dont j’appris qu’il possédait des vignes à Saint-Drézéry), et
de politique. Mon grand-oncle, du parti radical (mon père disait « les radsoc » et plus "social-traîtres" depuis 36),
était donc partie prenante du Front Populaire. Entre deux phrases, il se tourna
en ma direction et m’asticota : « Et ton père, toujours aussi
rouge ? », me le mettant aux joues. Marcel se pencha vers moi et me
glissa, gloussant, « Nous, nous sommes des roses, hein ! ».
Magali faisait mine de n’avoir rien entendu, mais je supposais qu’elle
connaissait suffisamment le jeune Fabre pour se livrer à des supputations sur
mon propre compte, ce qui me contraria. C’était par bonheur la seule allusion
qu’il se permit au sujet de ce qui reliait nos intimités. Je tâchai de me
convaincre que le sous-entendu avait échappé à ma cousine. Magali m’observait
de ses noires prunelles depuis que nous avions pris place autour de la nappe
blanche où scintillaient des couverts en argent semblables à ceux de la
ménagère que ma mère ne sortait d’une commode qu’aux grandes occasions. Elle
avait souri quand j’avais demandé à voix basse des explications à Marcel :
pourquoi ces deux verres et ces couverts de tailles différentes ? Marcel
prenait au sérieux le rôle de mentor que lui avait attribué d’emblée mon
grand-oncle.
Avant que cette bonne compagnie ne se quitte, il me donna rendez-vous pour le
lendemain à dix heures devant le grand théâtre. Nous allions pouvoir converser
en totale liberté.
Dans ma chambrette, j’eus à peine le temps de mettre de l’ordre dans le
bouillonnement de mes pensées qu’un sommeil salvateur m’entraîna dans ses
abysses. Le premier dimanche de ma nouvelle vie s’annonçait
prometteur.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022
(1) La bourride de lotte (ou baudroie) se prépare avec les ingrédients suivants : aioli blanc de poireau, carottes, croûtons, échalotes, fenouil, fumet de poisson, lotte, safran et vin blanc.
Bourride à la sétoise |
dimanche 22 mai 2022
Duo immortel pour deux (vrais) génies
Et puis, Gulda + Fournier, quel tandem !
samedi 21 mai 2022
"La femme de Tchaïkovski" à Cannes
J'ai maintes fois évoqué ici (donnez-vous la peine de chercher) le "cas Tchaïkovski" dont l'orientation sexuelle est tabou en Russie, quel que soit le régime politique en vigueur (vigueur est un euphémisme).
J'avais également rédigé des billets sur le film quelque peu grandiloquent de Ken Russel La symphonie pathétique (Music Lovers) qui, finalement, reste tout à fait regardable de nos jours, même si le cinéaste prend des libertés (inhérentes à son style) avec l'Histoire. Et puis, Richard Chamberlain, dans le rôle du compositeur, était d'une beauté renversante.
Le couple Tchaïkovski. Mariage de raison. |
Pour son quatrième film sélectionné à Cannes et après plusieurs années d'interdiction de sortie du territoire, c’est un Kirill Serebrennikov libre qui se retrouve sur la Croisette pour la projection de son film La Femme de Tchaïkovski, où il saisit toute la "rhétorique homophobe russe".
Dans le film de Russel, Antonina Miliukova, l'épouse du compositeur, lequel est dans l'incapacité de consommer le mariage (la scène dans le wagon-lit est explicite), va finir ses jours dans un asile d'aliénés.
Je ne sais pas ce qu'il en est dans le film de Sebrennikov dont la date de sortie en France n'est pas encore connue.
Je suis à mon poste de vigie.
La femme de Tchaïkovski de Sebrennikov |
En guise de synopsis :
Russie, 19ᵉ siècle. Antonina Miliukova, jeune femme aisée et brillante, épouse le compositeur Piotr Tchaïkovski. Mais l’amour qu’elle lui porte tourne à l’obsession et la jeune femme est violemment rejetée. Consumée par ses sentiments, Antonina accepte de tout endurer pour rester auprès de lui.
Les critiques, sans être dithyrambiques, ont réservé un très bon accueil au film de Sebrennikov.
Le Monde avertit que "La Femme de Tchaïkovski n’est pas davantage un plaidoyer féministe qu’un biopic mélomane."
Ci-après la bande-annonce (sous-titres anglais) :
vendredi 20 mai 2022
jeudi 19 mai 2022
Bon sang ne saurait mentir
Aimer lire, aimer
Photo Ralina Gazizova |
Je viens de lire Le jeune homme (Gallimard), d'Annie Ernaux.
Prenez une demi-heure : ces trente-huit pages relèvent de l'anecdote, un extrait de vie amoureuse que l'on pourrait transposer à sa guise en histoire gay.
L'écrivaine sait admirablement retracer les choses de la vie, on le savait. Fallait-il pour autant imprimer ce texte avec force promotion, quand on sait la difficulté qu'il y a de nos jours à se faire éditer ? Il est vrai qu'Ernaux, c'est un nom et que sur ce nom, on vendra. Ça coûte 8 euros, voilà.
mercredi 18 mai 2022
Cannes 2022
Ce fut sans doute l’ouverture la plus politique, engagée et courageuse du festival de Cannes. Qui s’achève sur le témoignage d’un comédien devenu héros dans la réalité de son pays : Volodimir Zelensky._ Vertige de cette mise en abyme renversée. Avec, aussi, le président le plus ancré dans la vraie vie, le plus authentique, le plus humble : Vincent Lindon. Que son discours faisait du bien à entendre ! Merci également à Virginie Efira d’avoir offert à cette ouverture des paillettes connectées au réel.
Marco : bello !
mercredi dernier, est magnifique dans cette posture "à l'antique".
La photo suivante m'interpelle :
est-il célibataire ?
mardi 17 mai 2022
Journée mondiale contre l'homophobie*
Contribution
Ludovic, lecteur assidu de Gay Cultes, par ailleurs écrivain sous pseudonyme d'auteur, m'a envoyé ce message que je transmets in extenso :
Ludovic
lundi 16 mai 2022
"Mon amant de Saint-Jean" | Chapitre II | Épisode 11 : Sacrée surprise !
je me dénudais et m’arrosais généreusement d’eau fraîche |
Septembre 1937, Montpellier.
Claude Bertrand, le narrateur, a quitté son village de l'Aveyron. Il vient d'arriver à Montpellier où il va prendre pension chez son grand-oncle Octave Rochs et entrer au lycée Clemenceau. À Saint-Jean, il a laissé Jean Goupil, son amoureux, dévasté. Dans la belle maison d'Octave, il a été accueilli par Magali, son exubérante cousine. Épuisé par un long voyage, il s'est endormi dans la petite chambre qui lui a été attribuée. En ce samedi soir, un repas est prévu avec sa famille d'accueil et des invités.
Des coups sur la porte, tout d'abord timides puis franchement résolus, m’ont arraché à mon sommeil.
« Ohé, mon cousin,
il faut se lever, papa va arriver d’une minute à l’autre ! » chantonnait Magali avec
enthousiasme.
Il fallait que je fasse une brève toilette avant de descendre affronter
l’auguste Octave. Ma cousine m’indiqua la salle de bains où je me décrassai
rapidement sous le pommeau de douche, manquant de me brûler, car j’avais
actionné par mégarde le robinet d’eau chaude. À Saint Jean, pas de
douche, pas d’eau chaude. On faisait chauffer l’eau
dans une bassine puis on la transvasait dans un grand tub en zinc dans lequel
on se débrouillait pour se laver soigneusement des pieds à la tête en faisant attention
de ne pas inonder la buanderie qui faisait également office de salle d'eau. Aux temps chauds, quand j’étais sûr
et certain d’être seul, je me dénudais et m’arrosais généreusement d’eau fraîche, à l’aide du
tuyau en caoutchouc de la cour. Là, je pouvais à loisir m’ébrouer sans
dommages.
J’ai entendu entrer l’oncle. La
maison jusqu’alors baignait dans une moelleuse quiétude que troublait seulement
le chant métallique des cigales. Elles se turent, comme impressionnées par l’arrivée
de notre grand homme. Ce fut aussitôt une succession d’exclamations – quelle voix,
grands dieux ! –, d’apostrophes à mon endroit : étais-je bien arrivé,
où m’étais-je caché ? On était sans doute étonné que je ne sois pas au
garde-à-vous dans l’entrée pour accueillir le maître des lieux. Confus, j’accélérai
le mouvement et me précipitai dans la chambre pour m'habiller du mieux possible. Après m’être imprégné d’eau de Cologne, je revêtis ma chemise blanche avec un petit nœud-papillon à élastique, la veste et le pantalon noirs que je n’avais plus portés depuis l’enterrement d’Antoine, le frère
de mon grand-père paternel René Bertrand.
Me jugeant présentable, je descendis les
escaliers quatre à quatre pour gagner le rez-de-chaussée où m’attendait un
véritable comité d’accueil : l’oncle, bras croisés, aux côtés de Line, son
épouse, une vieille femme qui devait être Mélanie dont je n’avais pas compris s’il
s’agissait d’une parente ou d’une domestique et Magali, que mon embarras mettait
visiblement en joie.
Mes craintes furent vite dissipées : l’austère personnage du portrait
de la chambre des parents s’effaçait, auquel se substituait un
homme rondouillard et jovial à l'accent prononcé qui me jaugeait avec une évidente satisfaction.
— Alors, le voilà enfin, ce neveu de l’Aveyron, le chéri de ma nièce, qui a
déjà fait la conquête de Magali. Une bonne bouille, oui, ma fille ! Des
yeux qui pétillent d’intelligence et de malice, mais sérieux, m’a-t-on dit et
féru de belles lettres, on va bien s’entendre !
L’approche psychologique était
sommaire, mais, dusse ma modestie en pâtir, n’était pas loin de la réalité.
— Beau garçon, en effet, confirma ma grand-tante Paulette, une femme humble,
frêle, la chevelure noire nouée en chignon de maîtresse d’école, qui m’adressait
un sourire des plus amènes.
On me présenta Mélanie, qui était en fait une cousine éloignée qui rendait de menus services de temps à autre dans cette grande maison dont l’entretien
devait demander quelques efforts. Je présumais que cette femme au visage triste,
dont les années avaient courbé la silhouette, ne jouissait pas du même train de vie que celui de mes hôtes, mais qu’elle était accueillie avec
bonté au sein de la famille Rochs. Rien ne vint démentir par la suite cette
première impression.
— On aura droit à une Suze, aujourd’hui, c’est la fête, déclara Magali, dont je
pressentais qu’elle allait devenir une amie, tant notre complicité s’était d’emblée
manifestée.
La Suze, je connaissais : elle fut la
cause de ma première ivresse, un dimanche de fête chez Jacob, avec Jeannot et
Clément Chaumard.
L’oncle confirma ; tout en
précisant que nous devrions attendre les invités qui n’allaient pas tarder, un
couple d’amis et leur grand fils, un étudiant auquel il aimerait voir jouer un
rôle de mentor, en quelque sorte, qui guiderait mes premiers pas dans la grande
ville, qui pourrait également me fournir quelques clés pour entrer sans peine
dans le monde lycéen à Clemenceau où il a fait ses études secondaires.
Octave n’avait pas terminé que résonna
la sonnette de la porte d’entrée. Quand il partit ouvrir, Mélanie s’effaça pour
gagner la cuisine d’où provenaient les effluves marins qui me chatouillaient
agréablement l’odorat depuis mon réveil.
Quand le trio fit son apparition dans
l’entrée, j’eus grand-peine à dissimuler ma stupéfaction : le plus jeune
des trois invités était l’un des amis « trop beaux » d’Étienne Jacob,
ceux-là même que j’avais surpris s’enlaçant dans la mansarde des Aspres
quelques semaines auparavant !
— Voici Claude, mon petit-neveu, tout fraîchement débarqué de son Saint-Jean !
Claude, voici mon ami Lucien Fabre, son épouse Lucie et leur fils Marcel.
Ne pas perdre pied, afficher un sourire poli et respectueux, réprimer ce
sursaut de la pomme d’Adam qui signifie la surprise, regarder les parents
plutôt que le fils… Si l’on pouvait, comme dans les films, siffloter en
regardant ailleurs…
Marcel Fabre savait fort bien qui j'étais, et pour cause : son nom et l’adresse
de sa garçonnière figuraient sur mon carnet, qu’Etienne Jacob y avait inscrits avant
de m’assurer qu’il avait annoncé mon arrivée, que j’étais des leurs, que j’avais
un amoureux au village, que je serais « tout tristounet » sans doute
et qu’il faudrait prendre soin de moi !
Le jeune homme qui me faisait face, ce « trop
beau » de juin, dont le visage s’ornait désormais d’une fine moustache en
trait de crayon, ne semblait guère décontenancé, qui me considérait avec la
complaisance que l’on devinera sans peine.
— Ah, le fameux monsieur Claude. Je te dirai à table ce que j’ai prévu pour ton
premier dimanche parmi nous. J’espère que tu ne rechignes pas à la marche, car
je compte bien te faire visiter Montpellier de long en large. Tu es bien
sympathique et tu as fière allure. Tu as mis tes habits du dimanche pour nous
rencontrer ?
Je crois bien que mon visage s’est subitement teinté de pourpre. Je fus atteint
par la flèche. J'avais pourtant été à bonne école avec mon Jeannot, qui s’était spécialisé dans l’art de la
raillerie. J’aurais à mieux apprendre le sens de la répartie ; je me vengerais. Les joutes intellectuelles, ça
m’excitait d’avance.
(À suivre)
© Louis Arjaillès - Gay Cultes 2022
(...) que j’avais surpris s’enlaçant dans la mansarde des Aspres... |