Honte à moi de pas être revenu sur le dernier ouvrage du prolixe Dominique Fernandez, membre éminent de l'Académie, dont le denier livre chroniqué (Amants d'Apollon L'homosexualité dans la culture) m'avait quelque peu déçu ; irrité voire, par cette propension à voir des homos partout, fantasme paraît-il amplement répandu dans notre "confrérie".
Je moquais déjà ce travers dans un spectacle improvisé où j'affirmais à un partenaire qui jouait fort bien la berlue que Lino Ventura et Jean Gabin formaient un couple de honteuses savamment dissimulé aux médias.
Fernandez publie beaucoup, dont des ouvrages qui relèvent du guide touristique littéraire, son très intéressant Piéton de Rome, par exemple, pouvant se substituer aux Promenades dans Rome de Stendhal devenues aujourd'hui pratiquement illisibles, ayant le mérite, hormis les adresses de restaurants, de remplacer avantageusement dans une valise le sempiternel Routard ou le plus affûté Lonely Planet.
Un grand reproche à cette Société du mystère qui fut l'une de mes lectures de l'été (vite) passé : quand on apprécie de lire au lit (c'est mon cas) ce pavé de 593 pages n'est guère facile à manipuler, sauf à disposer du lutrin adéquat (faudra que je m'en trouve un, mais je crains la cherté d'un objet qui, en ces temps numériques, ne doit guère trouver d'acquéreurs).
La Société du mystère affiche sa qualité de roman ce qui permet à l'auteur de donner libre cours à une imagination fertile et de fantasmer à loisir sur les intentions cachées des membres de la "meute" (terme utilisé pour identifier cette mystérieuse société de peintres unis par leur "bougrerie"), dont beaucoup furent les authentiques génies du "cinquecento", le seizième siècle des Italiens. Le roman se présente comme mémoires apocryphes d'Agnolo Bronzino, l'un des maîtres de la période, élève et frère en "mauvaises" mœurs de Jacopo Pontormo, les deux hommes, et nombre de leurs confrères ayant bénéficié de la protection des Médicis, sans lesquels, le spectre de l'Inquisition rôdant, ils eussent connu un sort des plus funestes.
Gourmand, Dominique Fernandez, leur prête un culte de la "coda" (traduisez, tiens !) qu'ils se seraient efforcés de transmettre à la postérité, par touches subtiles, dans leurs œuvres, sacrées le plus souvent, exploit remarquable s'il en est, et vive les romanciers !
Le livre tient la gageure de mêler fiction parfois délirante (mais on aimera !) et références artistiques, rendant un hommage sincère au métier de l'Art : c'est à Florence, en effet, que les peintres durent lutter pour passer du statut d'artisans à celui d'artiste, terme dont Fernandez nous dit que c'est ici qu'il fut créé.
On croise au fil des pages, en chair et en os si je puis dire ou en référence, les peintre et sculpteurs les plus illustres, dont Michel Ange, Vasari (le seul "hétéro", présenté comme un hypocrite de première), Benvenuto Cellini, le Parmigianino et autres Donatello dont le David nous vaut une description enflammée (et bien venue) de l'écrivain.
Intrigues de cour, vie privée des fameux Ducs de Florence (Cosme 1er principalement), avec pour décor l'encore prestigieuse Florence, meurtres et détails de nature à nous "parler" sur les rapports entre Pontormo et son disciple Bronzino, lequel entretiendra à son tour des rapports pas uniquement pédagogiques avec son élève Sandro (Alessandro Allori surnommé également Il Bronzino), rapports du même type que ceux de Pier Paolo Pasolini avec Ninetto Davoli, petit clin d’œil de l'auteur de Dans la main de l'ange, voilà enfin un Fernandez passionnant, rythmé malgré sa longueur, qui ne fait certes pas œuvre d'historien, mais nous emmène au cœur de l'une des périodes les plus fascinantes de l'Histoire, comme dirait l'ampoulé Stéphane Bern dont, au passage, l'émission entrevue récemment sur Laurent le Magnifique, entrecoupée de témoignages de prétendus "spécialistes", illustrée par une musak anachronique, est de nature à nous faire prendre les jambes au cou ; ce que je fis, encore sous le charme de ce précieux ouvrage.
La société du mystère, par Dominique Fernandez (Grasset)
Illustrations : détails de la Déposition de Pontormo ; de beaux éphèbes à la manœuvre (deux portent le corps du Christ), comme par hasard, tiens !
Autoportrait de "Sandro" Allori, l'amant selon Fernandez - Galerie des Offices, Florence |
5 commentaires:
"Ce lutrin en altuglas transparent est particulièrement adapté pour le confort d’une lecture au lit des grands et des petits livres.
Son poids léger permet des manipulations faciles. Solide et stable, son inclinaison répond aux besoins d’une consultation agréable.
Fini le mal au dos et les fourmillements musculaires ! – un lutrin retenu aussi pour les personnes alitées en maison de convalescence."
http://www.lutrin.com/altu-lit.htm
(Je vais me procurer ce livre sans attendre, merci !)
Jules
une expo Pontormo & Co à Florence très prochainement !
(ainsi qu'une invraisemblable expo Caravage à Milan... 18 toiles réunies pour la première fois !!!
Bonjour,
Art et fiction vont volontiers ensemble. Cependant ne serait-ce pas à celle-ci qu'appartient l'énoncé, devenu classique : "les peintres durent lutter pour passer du statut d'artisans à celui d'artiste".
Je m'interroge depuis ma découverte récente d'un petit blog hilarant consacré à une sociologue renommée :
"Nathalie Heinich a construit un modèle ternaire qui est devenu une des clés de voûte de sa sociologie de l’art : pour rendre compte des différentes figures d’artistes qui se sont succédé, elle tente d’articuler trois régimes qui, selon elle, caractérisent l’activité des peintres : tout d’abord, le "régime artisanal", ensuite le "régime professionnel" et, pour finir, le "régime vocationnel".
"Avant d’aller plus loin, il faut dire deux mots sur cette façon qu’a Nathalie Heinich de penser en comptant jusqu’à trois. ..."
(début du billet "Des tics d’Heinich" http://italiansbetter.blogspot.be/)
Hegel toujours à l'œuvre.
Pipo, comme maman disait.
Merci, Jules D. : sur le site, on indique "prix sur demande"...
Mamy Grand : il vous faut 2 pseudonymes, à vous ? Merci pour le lien.
Pepito : beau programme en vue, donc !
encore une bonne nouvelle : la réédition largement augmentée du "radeau de la gorgone" du divin Dominique F.
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