Je n'avais pas eu le temps d'en parler, mais cette année je suis allé à Livre à Paris (le salon du livre, quoi !) où j'avais à rencontrer un agent pour la promotion de mon roman, et, cerise sur le gâteau, pour rencontrer des amis qui travaillent pour l'émission de France Inter Si tu écoutes j'annule tout. Comble de bonheur, ce vendredi-là, l'invité principal de l'émission était l'écrivain et académicien Goncourt vénéré Tahar Ben Jelloun auquel j'avais envoyé une missive restée sans réponse au moment de la sortie de l'ouvrage. Mais bon, ces gens-là sont très occupés, je ne m'en chagrinai pas et seul un miracle, une rencontre impromptue, eût pu me permettre de m'adresser directement à lui. Soudain, c'est ce qui se produisit : le grand homme se trouvait à quelques mètres de moi, et, quand il quitta le plateau, je m'approchai de lui, pataud quelque peu, ne me reconnaissant pas : moi qui ai l'habitude de m'adresser à de larges publics, je lui bredouillai d'emblée que je ne voulais pas être un fâcheux, juste lui offrir mon bouquin que j'arrivai non sans mal à extraire de mon sac, comme un petit garçon qui veut offrir un cadeau à la personne qu'il admire le plus.
Monsieur Ben Jelloun, alors, me toisa d'un regard excédé, me disant "je suis pressé", et moi, lui bégayant que "tenez, je me permets de vous offrir mon tout premier roman" et lui de répondre "ce n'est pas la peine, je ne le lirai pas" et, tournant les talons tel un météore, de me laisser planté là, honteux, dépité, le cœur au bord des larmes. Il fallut toute la bonté de l'un des humoristes de l'émission qui avait observé toute la scène, pour me rasséréner.
16 commentaires:
Sûr, vous, personne, ne devait s'attendre à ça !
En plus, il ne sait pas ce qu'il rate ...
Merci Pascal, mais n'exagérons rien : je ne prétends pas jouer dans la même cour.
Tahar ta gueule à la récré !
Pas trés aimable Tahar Ben Jelloun !
Peut-être avait-il été malmené à l' émission des ricaneurs "si tu écoutes j'annule tout"?
Votre mésaventure me scandalise mais elle me confirme ce que je pensais depuis longtemps de cet écrivain, à savoir qu'il ne se prend pas pour une crotte de bique. Un jour, peut-être, célèbre, voire académicien, vous vous trouverez dans la même situation devant un jeune auteur et je suis certain sans vous connaître sinon par votre site que vous prendrez le livre, que vous remercierez l'auteur et que vous lui écrirez pour lui dire ce que vous pensez de son travail, même si c'est pour le critiquer de façon constructive. Un mot encore: il n'y a pas de grande et de petite littérature: ce qui compte, c'est la nécessité profonde qui pousse un auteur à écrire. Je crains que cette nécessité chez Tahar Ben Jelloun ne soit pas de même nature que la vôtre. Elle l'a sans doute été quand il était inconnu mais il l'a perdue. Et c'est bien dommage!
Johan : ils ont été très gentils avec lui.
Ludovic : certes, mais l'homme public a aussi le droit d'être inégal ; je fais état d'une déception, mais il est vrai que nombreuses doivent être les sollicitations dans le contexte.
Sinon, l'Académie, c'est un peu tard : je suis un(déjà) vieux gamin.
Je vous trouve bien indulgent de parler de déception face à une telle grossièreté. Les hommes publics ne le sont que parce qu'il y a un public dont ils ont sollicité l'attention, en l'occurrence des lecteurs pour les lire et les admirer. ils ont des devoirs envers ce public et y manquer de cette façon et dans ces circonstances est simplement le signe que cet écrivain ne vaut pas sa réputation ni l'estime que vous lui portez.Un jour, il y a longtemps, j'ai vu Jacques Brel rabrouer un ado qui lui demandait un autographe à la sortie d'un concert. Une dame lui a fait observer que s'il était là, c'était justement parce qu'il avait des admirateurs. Jacques Brel s'est excusé aussitôt et à fait une belle dédicace au jeune homme. Et pourtant lui, était fatigué par un concert épuisant et peut-être déjà par la maladie. Il y a des hommes publics qui méritent de l'être et d'autres moins.
Oui, Ludovic, vos arguments sont défendables, d'autant que je ressens de la sympathie et de la bienveillance à mon égard. et ça me touche, merci.
Bravo,Ludovic,je vous suis en tous points...
Quant à votre candidature à l Académie,il n y a pas d âge..
Le jour où vous y serai reçu,invitez moi,Sylvano ,c est le plus bel édifice de Paris,
un bel écrin pour un beau joyau..
Cet incident vous aura au moins acquis un lecteur. Je viens de commander votre livre.
Hersaint : je fais confectionner l'habit vert et son épée à tout hasard.
Merci, Ludovic.
Arthur P. : je n'ose dire "égal à vous-même".
:)
Je vous dirai, hors commentaires, deux ou trois choses. Maudissez les prix, ils font enfler les chevilles. Depuis le Goncourt, le pauvre Ben Jelloun s'étiole intellectuellement.
Celeos, depuis que j'ai eu le coup de cœur du jury du Prix du Roman Gay 2016, j'exige de mes amis qu'ils me vouvoient. J'attends vos deux ou trois choses avec avidité.
O tempora, O mores...
quelle impudence de s'inscrire dans la pensée de l'autre, un livre est un temps de partage, mais solitaire, un temps de lecture avec un autre être solitaire qui l'est lorsqu'il écrit. Et pourtant un élan pour partager.
Et si monsieur Tahar BEN JELOUM n'était plus lu, " je ne lirai pas votre livre ... ", comme signifier la non existence de l'autre. Mais, au fond, monsieur BEN JELOUM a t il curiosité de lecture, et a t il existence de lecture, ou seulement curiosité d'écriture.
Aviez vous écrit pour lui ?
Certains ont perdu la soif de l'existence, dommage pour eux...
cultivez toujours l'émotion de la beauté, et de la lumière,
certains pensent être lumière, alors qu'ils ne sont qu'obscurité...
Qui souffre le plus, de celui qui se voit repoussé et de celui qui ne connait pas le plaisir simple d'accepter ce qu'on lui offre, de dire merci, de sourire et par là même d'être l'instant d'une rencontre l'homme le plus puissant du monde ? Je le plains. Quant à vous Silvano avouez, vous l'avez quand même un peu cherché, l'individu n'est pas réputé pour sa finesse...
Pierre
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