Hôtel proustien
Je vous jure que je n'en fis pas usage. |
L'ayant largement mérité, je me suis offert, pour ce séjour en solitaire, six nuitées dans ce "Park-Hôtel Laurin" idéalement situé dans le centre historique de Bolzano/Bozen, à deux pas de la "stazione"mais à distance suffisamment raisonnable pour que jamais le bruit d'un treno regionale ou celui de la Freccia Rossa (l'équivalent de nos TGV, désigné en terme beaucoup plus poétique) ne vienne troubler la quiétude des lieux.
Cet hôtel d'allure proustienne est une ville dans la ville : on pourrait y séjourner sans jamais s'aventurer en ville. Si l'édifice a été conservé tel qu'il fut lors de son inauguration, en 1910, il s'est progressivement adapté à l'évolution de notre civilisation. On peut se poser en divers lieux, dans le parc, près du bar d'été, sur la terrasse qui donne sur la via Laurin, dîner au restaurant réputé que l'on déplace en extérieur pendant la belle saison, ou, chaque jeudi, se rendre à l'aperitivo généreux (10 euros le buffet, somptueux !).
Celui auquel je participai se tint entre les murs pour cause de pluie, mais le cadre et la musique (du jazz, pour beaucoup) distillée par un D'J qui veillait, c'est rare, à ne pas laminer l'ouïe des convives, permirent deux heures euphoriques, le serveur m'ayant déniché "un' tavolino" fort bien placé pour me permettre d'avoir une vue panoramique sur les hôtes de la soirée, tablées italiennes à peine bruyantes avec de belles personnes, famille allemande élégante, de la jeune "mutter" et du "vater" sympathique et bien fait de sa personne aux deux fillettes échappées des Malheurs de Sophie, jolies comme tout, sages, ravies, apparemment, d'avoir droit, exceptionnellement, je le présumai, à un Coca Cola de fête. Le serveur en salle, sexagénaire, doit faire partie du personnel depuis des lustres (au passage, ceux qui ornent les plafonds en fresques sont magnifiques).
On peut se poser en divers lieux... |
Cet homme affable, avec lequel on sympathise forcément, est à observer : il fait diligence sans jamais se départir de son sourire ; sa démarche frise le comique : comme montées sur roulettes, les jambes se téléguident de place en place, évitant les obstacles, pendant que le reste du corps semble rigidifié pour compenser la vélocité des membres inférieurs et garder une dignité de bon ton.
Il ne manque jamais, même aux heures de pointes, de s'arrêter à votre niveau pour s'enquérir que "tutto bene ?" et, sur votre assentiment, reprend sa course apparemment rassuré comme si vous veniez de lui dire que vous venez d'échapper à la mort.
Jubilatoire.
Ici, on parle allemand, italien, et anglais. Le Français semble être devenu une langue morte, comme c'est malheureusement le cas dans la plupart des contrées.
Je disais, il y a peu, que je m'apprêtais, voyant les images de l'hôtel, à y croiser moult vieilles dames à petit chien. L'un des ascenseurs (photo) étant équipé de barres d'appui et d'une banquette où se reposer pendant la minute et demie nécessaire pour gagner le cinquième étage où je résidais. Je vous jure que je n'en fis pas usage.
Un mec canon
Quelque idée de cette vision fugitive... |
Je déplorais, l'autre jour, ici-même, l'absence d'anges à mon (à notre ?) goût au hasard de mes pérégrinations. J'en croisai un, vendredi matin, sur la Place Walther (du nom d'un poète-troubadour du moyen-âge : une ville qui honore, en son centre, un saltimbanque, est digne d'éloges !), une spectaculaire apparition, comme pour démentir ma première impression. Le garçon doit aller sur ses dix-huit ans, tout au plus, porte une petite casquette vissée légèrement de biais sur ses cheveux coupés courts, une discrète boucle d'oreille, à droite, un visage aux traits fins, pas de barbe (bien sûr !), un polo, un short de belle coupe bien au-dessus des genoux, des baskets immaculées, un corps presque trapu, de taille moyenne, donc, le muscle sec, le bronzage sans excès, l'émotion !
Mais voilà, le pas est vif, un rendez-vous sans doute, et ne me laisse pas le temps d'élaborer un stratagème pour l'arrêter et le photographier comme j'en ai, hélas, perdu l'habitude. La fulgurance se perd dans la foule, j'écarquille mes yeux à en décoller la rétine, pfuit, l'oiseau s'est envolé.
La photo qui illustre ce paragraphe peut donner quelque idée de cette vision fugitive. En moins bien, toutefois.
Un Italien gentil parmi d'autres
Pour vous, un euro, Signore ! |
Samedi dernier, je reprends le train vers Milan, avec changement à Vérone.
À la "Stazione Centrale" milanaise, j'ai largement le temps de prendre la navette qui me conduira à l'aéroport Malpensa.
Au passage, si vous vous rendez en cette ville, le train "Malpensa Express" n'est pas à conseiller : prenez plutôt l'un des nombreux bus (plusieurs compagnies en concurrence) qui font la navette. Vous économiserez cinq euros, et vous arriverez plus vite !
Près de la file de bus, je m'installe à une terrasse où je commande au tenancier une simple "acqua frizzante". On remarquera, au passage, qu'en Italie, et quelque soit le lieu, l'eau minérale n'est pas vendue au prix du Champagne, comme trop souvent dans les cafés français.
De même, au restaurant, on ne vous fera pas la gueule si vous ne commandez qu'un plat. À Bolzano, vendredi soir, au "Cavallino bianco" (recommandable !), j'ai dîné d'un délicieux goulash garni d'une crémeuse polenta, que j'accompagnai d'un quart de litre d'un excellent "Pinot bianco" (à 2 euros cinquante !) et d'une bouteille d'eau gazeuse, et, pour conclure, une copieuse coupe de "fragole" (fraises, mon péché mignon) pour une addition de vingt euros !
Mais revenons à ma terrasse de la gare de Milan : un trio de jeunes Français a pris place à la table voisine. Deux filles, et un garçon qui ressemble, si ce n'est les cheveux bruns, à mon petit voisin G2. Le sixième sens faisant son oeuvre, je ne suis guère surpris d'entendre l'une des donzelles relater la super soirée qu'elle a passée avec le garçon dans un club où... elle était la seule fille.
Au moment de passer commande, le garçon a beaucoup de mal à demander une bouteille d'eau : il ne parle pas la langue locale, et sa prononciation de "water", en anglais est des plus hasardeuses. Mes rudiments d'Italien me permettent donc de traduire à l'aimable serveur (le patron, sans doute, on le verra), les desiderata du jeune homme, mignon au demeurant.
Au moment de régler l'addition, le "cameriere", m'annonce que je dois... un euro !
Devant mon étonnement, il me dit : "Normalement, c'est deux euros, mais vous avez servi d'interprète, et je vous trouve très sympathique."
Et certains ne comprennent pas mon engouement pour l'Italie ?!
Trois heures plus tard, j'arrive à Orly où je suis surpris par la grisaille, la pluie et les ronchonnements.
J'avais été conquis par un film, La Sapienza, qui m'avait donné envie de découvrir Turin.
Ce sera chose faite début septembre.
C'est l'une des plaques scellées dans le trottoir, devant l'hôtel, en 2010, pour son centenaire. |
Rien à voir avec les JMJ : je vous en parle très bientôt.
La photo de l'ange et celle de la bouteille d'acqua frizzante ne sont pas mon œuvre.
La photo de l'ange et celle de la bouteille d'acqua frizzante ne sont pas mon œuvre.
12 commentaires:
Merci de cette belle narration: j'étais un instant en Italie qui commence à me manquer !
J'espère que vous envisagez sérieusement de publier ces chroniques qui sont savoureuses et d'une sensualité sous-jacente qui vous désigne d'emblée pour une nouvelle distinction par le jury qui vous a déjà couronné pour votre fiction romanesque.
Merci Silvano de nous associer à vos vacances avec tant de talent.
Nos TGV sont mal nommés
Le Français serait devenu une langue morte
L'eau minérale serait vendue au prix du champagne
Au restaurant on vous ferait la gueule si vous ne prenez qu'un seul plat
Le jeune Français avec ses copines serait incapable de prononcer correctement le mot anglais"water"
En arrivant à Orly ,évidemment c'est la grisaille,la pluie et les ronchonnements
Tous ces clichés dans un récit de voyage de quelques dizaines de lignes sont ils vraiment indispensables ?
@Celeos: À qui ne manquerait-elle pas? En France pour l'été, j'attends avec impatience d'y retourner.
Gaspard, vous oubliez les rapports que nous entretenons avec la musique dite "grande" : un "cliché" de plus.
Je ne déteste rien tant que les "clichés", voyez-vous, et n'exprime que mon ressenti. Ces remarques sur notre chère France (où il y aussi du beau et bon) sont peut-être tellement récurrentes (et répandues, hélas !) qu'elles en sont devenues... des clichés.
Ludovic : c'est très gentil, mais franchement, je pense que ces carnets de voyage ne valent pas une publication imprimée. Qu'ils touchent mes lecteurs les plus fidèles, dont vous êtes, suffit à entretenir nos amitiés virtuelles mais sincères. Et c'est beaucoup.
Je m associé à Ludovic avec délices...
Je viens vous voir en septembre, palomar !
Mais non Gaspard, il ne faut pas prendre ces "clichés" au premier degré. Notre Silvano, bien sûr, aime notre beau pays et s'il le mesure aux charmes de l'Italie, c'est pour le stimuler, pour le mesurer à d'autres critères, et non pour le condamner sans appel. Mais convenons avec lui que le pays, le nôtre, pour lequel le tourisme est une des premières ressources financières, multiplie un peu trop les raisons de décevoir ceux qui viennent y chercher la douceur de vivre et les raisons de croire que c'est le plus beau pays du monde. Ce qu'il est malgré tout et que Silvano ne conteste pas mais dont il se garde avec sagesse de croire que cette prééminence lui est acquise de droit et de toute éternité. Qui bene amat, bene castigat.
Palomar, vous avez un message !
:)
Ludovic, vous êtes parfait en juge de paix.
:)
@Celeos: Parfait!
@Silvano: Désolé d'utiliser votre blog comme boîte aux lettres.
Palomar, je vous en prie : faites comme chez vous.
D'autant que je vous dois une visite.
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