Je me souviens de toi, assis à gauche du pianiste, ta jolie tête penchée, tes jolis yeux clos pendant qu'il jouait pour toi, beau jeune homme fragile légèrement enivré d'alcool italien trop sucré.
Je me souviens de lui qui voulait tout t'offrir, la musique jaillie de ses longs doigts, ses émotions, ses joies, ses doutes - "est-ce que joue assez bien pour lui ?"- son désir de toi, son amour.
On m'oublia un jour, ici, dans cette maison vide, abandonnée, où à présent n'entre plus que le vent d'hiver par les carreaux brisés.
Si le visiteur qui vient de me surprendre concentre son attention, s'il prête l'oreille intensément, faisant abstraction du bruit des pelleteuses, là, tout à côté, il entendra un nocturne de Chopin résonner, trop longtemps prisonnier de ma table d'harmonie. Fermant les yeux, il verra le jeune homme et son aîné au cœur d'enfant, mêlant leurs sourires et leurs larmes, partageant leurs rêves, se faisant la vie, s'aimant à leur manière comme on ne s'est jamais aimé.
1 commentaire:
Quel beau texte, Silvano.
Le lisant, il m'a semblé que les mots se mettaient en mouvement pour danser sur une douce musique, nous rappelant le meilleur de nous même.
Le vieux piano oublié, objet inanimé, témoin de cette beauté.
Devenu silencieux sauf à ceux qui veulent écouter, malgré les bruits du monde.
Marie
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